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Rencontre avec les malades épileptiques et leurs parents


Cette rencontre s’est tenue le 18 janvier 2011 au centre médico-psychosocial de SOPERDI (Solidarité avec les Personnes Deshéritées) à Bandiagara. Elle s’inscrit dans la sensibilisation des malades épileptiques et de leurs familles.Une dizaine de malades et leurs parents ont pris part à la rencontre qui s’est déroulée en deux phases:
La 1
ère : la préparation d’un repas à base de riz par deux femmes épileptiques, repas que les malades, leurs parents qui les accompagnent et les travailleurs du centre ont pris ensemble, ceci dans le but de sensibiliser les malades et leurs parents que l’épilepsie n’est pas une maladie contagieuse. Le malade épileptique peut boire et manger avec les autres sans les contaminer.
La 2
ème phase à consister à laisser chaque malade et son accompagnant parler de l’histoire de sa maladie. Tous les malades ont aisément tour à tour pris la parole.
Ainsi nous avons choisi de présenter cinq histoires les plus intéressantes : celles de trois femmes et de deux hommes:

Cas N°1 : F Y, est une femme dogon de 35 ans, mariée et mère de deux garçons. Elle vit avec son mari polygame à Bandiagara. Elle est originaire d’un village situé à 60 km de Bandiagara. A l’âge de 16 ans elle s’est mariée avec un cousin maternel (le fils du frère de sa mère). De ce mariage, elle a eu deux enfants dont un garçon et une fille. Son mari a migré à Mopti avec elle pour chercher du travail. C’est à Mopti que commença la maladie. Elle faisait une crise chaque mois. Le mari a fait recours aux marabouts sans succès. Ainsi, il a décidé de l’envoyer dans son village auprès des parents qui ont consulté plusieurs guérisseurs dogon sans succès. Les crises devenaient plus fréquentes et plus intenses. Ainsi à part sa mère, les autres membres de la famille refusaient de manger avec elle ou de boire dans la même jarre. Quand elle tombait, elle était abandonnée et personne ne voulait l’approcher. Le mari a épousé une autre femme et l’a abandonnée. C’est dans ces conditions que sa mère a décidé de l’envoyer à Bandiagara chez une cousine. C’est cette cousine qui l’a amenée à l’association en 2004 dans un état très déplorable : habits déchirés, cheveux désordonnés. Pendant ce temps elle faisait une crise par jour. Ainsi elle a commencé à prendre les médicaments et au bout de six mois elle a trouvé un travail d’aide - ménagère. Cet argent lui permettait de se payer quelques habits. En plus, elle venait faire la lessive chez moi pour avoir un peu d’argent. Au bout d’un an de traitement, elle n’avait plus de crises. Depuis 2007, elle s’est remariée et mène une vie conjugale normale, elle travaille toujours comme aide-ménagère. Elle continue à prendre le médicament et n’a plus eu de crise depuis 2007. Elle a exhorté tous les malades à prendre régulièrement les médicaments « avec cela on peut vivre normalement comme les autres. Grâce à Pierre, je suis comme cela aujourd’hui, avant j’étais comme morte vivante » selon elle. Elle a été accompagnée à la rencontre par deux parents dont son époux.

Cas N°2 : SD, femme de 33 ans, mariée et mère d’une fille et d’un garçon. Depuis maintenant 15 ans elle a l’épilepsie. Elle a été divorcée à cause de la maladie. Dans la famille, elle mangeait seule, buvait dans un canari à part. Quand elle tombait, tout le monde la fuyait. En 2001, elle a décidé de quitter le village pour venir à Bandiagara où elle se promenait de maison en maison pour chercher à piler le mil afin d’avoir à manger. Elle se couchait dans les maisons abandonnées. C’est dans ces conditions qu’un prêtre catholique l’a découverte et l’a confiée à l’association en 2002. Pendant les crises, elle court et devient agressive envers toute personne qu’elle rencontre. Mise sous traitement les crises sont devenues très rares et moins intenses. Elle s’est mariée la même année. Elle travaille comme 
aide- ménagère. Pour elle « grâce au médicament j’ai commencé à revivre, je suis une femme comme toutes les autres : je suis mariée et j’ai des enfants, si vous prenez correctement les médicaments, vous pouvez vivre normalement ». Son mari a pris part à la rencontre.

Cas N°3 : HD, femme de 20 ans, célibataire avec trois garçons. Trois mariages trois divorces à cause de la maladie. Elle est malade depuis 10 ans. Elle prenait le médicament et tout allait bien. Elle s’est mariée et a arrêté le traitement. Ainsi les crises ont commencé et le mari l’a abandonnée. Elle a repris le traitement, elle s’est améliorée et s’est remariée. De ce mariage, elle a eu un garçon dont le père l’a aussi abandonnée dès qu’il a su qu’elle était épileptique. Il y a deux ans, elle a contracté un autre mariage et a eu un garçon. Avec l’irrégularité dans le traitement, elle s’est brûlée gravement une main par le feu à l’occasion d’une crise. Il y a un an, le père l’a amenée au centre et depuis elle suit correctement le traitement. Elle ne fait plus de crise. Chaque matin, elle va chercher du bois qu’elle vient vendre à Bandiagara, ce qui lui permet de gagner 500FCFA par jour pour se payer des habits, du savon et un peu de nourriture. Elle a exhorté les autres malades à suivre correctement le traitement pour éviter l’accident qui lui est arrivé. Elle a été accompagnée à la rencontre par son père.

Cas N° 4 : JMK, 17 ans est accompagné par son père selon lequel, la maladie a commencé quand il avait deux ans et suite à une forte fièvre avec convulsions. Il était même comme mort. Plusieurs traitements ont été faits sans .succès. J’ai dépensé beaucoup d’argent et d’animaux ?selon le père. Les crises étaient tellement violentes qu’on ne pouvait pas le laisser seul. Ce qui fait que l’un des parents l’assistait constamment. Il n’a pas pu aller à l’école à cause de la maladie. S’il tombait tout le monde le fuyait. Il était toujours seul, aucun enfant ne voulait jouer avec lui. C’est en 2005, que l’animateur du centre est venu dans son village et a demandé qu’on l’amène à Bandiagara. Depuis il prend correctement le médicament : il ne fait plus de crise, il travaille au champ, arrose les oignons et joue avec ses camarades. Le père a demandé aux autres malades et surtout à leurs parents de suivre régulièrement le traitement.

Cas N°5 : MC, 16 ans élève en 9ème année, il est accompagné par son père. La maladie a commencé il y a 10 ans par des absences : s’il mange les tartines tombent, s’il joue il lui arrive de s’arrêter quelques secondes, en classe il ne suit pas correctement. Deux après il a commencé à tomber en classe et tous les élèves avaient peur, même l’enseignant. Amené au centre, il a été mis sous traitement et depuis il arrive à suivre correctement les études. Il a un bon rendement scolaire.

Commentaires : Les objectifs du centre sont :

  1. Arrêter les crises ou diminuer leur fréquence et leur intensité par la prise régulière des médicaments qui sont donnés gratuitement aux malades indigents et à demi-tarif aux autres. Les malades suivis sont à ce jour 418.

  2. Assurer la réinsertion familiale et sociale des malades, par la sensibilisation de la famille et de la communauté

  3. Permettre la réinsertion professionnelle des malades en vue de leur permettre d’avoir une autonomie matérielle et financière, gage de la restauration de leur dignité humaine. Dans ce cadre, le centre est entrain d’étudier avec les malades, une activité génératrice de revenus qui soit convenable pour chaque patient. Par exemple les femmes épileptiques vivant dans la ville de Bandiagara, qui sont pour la plupart des aide-ménagères souhaiteraient faire la fabrication artisanale de savon et réaliser une buanderie pour se professionnaliser dans le lavage du linge. Tous les malades désirent également apprendre à lire et à écrire dans leur langue maternelle.

Pour atteindre ces objectifs, il est important de payer un salaire pour les deux personnes qui sont des volontaires mais n’ont pas de revenus pour entretenir leurs familles : il s’agit de l’animateur qui va dans les familles pour sensibiliser les malades et leurs familles et de la femme qui donne les médicaments prescrits par le médecin aux malades, tient les registres et oriente les malades qui ont des difficultés vers le médecin. Il serait également nécessaire de recruter un gardien pour sécuriser le centre et d’avoir assez de médicaments pour les malades indigents. Il serait aussi important d’avoir du matériel de bureau et du matériel médical dont nous avons fait la liste.

                                                                            Bandiagara, le 23 janvier 2011
                                                                            Le Président de SOPERDI

                                                                            Dr Pakuy Pierre MOUNKORO, psychiatre